Editorial de La Tribune des Travailleurs n° 409 du 04 octobre 2023

Un calme automnal ?

Par Daniel Gluckstein

Faut-il prendre au sérieux la menace d’une « bombe sociale » sur le point d’éclater ? La question est posée par Madame Cécile Cornudet, éditorialiste au journal capitaliste Les Échos, qui s’interroge sur cette menace qui « fait peur (…) car le souvenir est frais des secousses des derniers mois : “gilets jaunes”, réforme des retraites, émeutes de juin. La terre politique et sociale a tremblé, elle le pourra donc encore. »

Madame Cornudet se veut rassurante : « Si l’on regarde de près, rarement automne n’aura été aussi peu “chaud” que celui-ci, du point de vue social s’entend. » Pas lieu de s’inquiéter, donc ? Pas si simple : « Il serait faux bien sûr d’en conclure que tout va bien. Les Français ne parlent que du prix des courses. »

Qu’en conclure : « bombe sociale » ou pas ? Réponse : « Réelle ou fantasmée, qu’importe, la bombe est dans les esprits. »

Réelle ou fantasmée ? Ce n’est tout de même pas la même chose ! Ou bien la « bombe sociale » est un fantasme, et alors pourquoi nos capitalistes devraient-ils s’en préoccuper ? Ou bien les composants de cette « bombe sociale » sont en train de s’assembler dans la vie réelle, et là, c’est autre chose.

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Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 408 du 27 septembre 2023

Une histoire américaine ? Pas que…

C’est l’histoire de travailleurs qui n’en peuvent plus : « Nous travaillons dix à douze heures par jour et nous sommes épuisés », dit l’une. « Je ne connais personne qui arrive à boucler ses fins de mois », dit l’autre, en larmes.

C’est l’histoire de travailleurs qui se sont mis en grève : « Le patron s’est augmenté de 40 %, alors on veut 40 %, nous aussi. On se bat pour notre classe », explique l’un d’eux. Qui ajoute : « Nous ne demandons pas grand-chose… seulement la justice. »

C’est l’histoire de travailleurs qui ont fait appel à leur syndicat. Et le syndicat a répondu à leur appel en organisant la grève.

C’est l’histoire de travailleurs à qui on a expliqué qu’en raison de la « transition énergétique »ils devraient accepter des sacrifices. Et qui ont répondu en inscrivant parmi leursrevendications l’exigence suivante : même si les conditions de production sont bouleversées du fait de cette « transition », les nouvelles entreprises de la branche devraient garantir les mêmes droits que ceux obtenus jusque-là.

Cette histoire, c’est celle de la lutte de classe. Plus précisément de la lutte de masse en cours aux États-Unis à laquelle La Tribune des travailleurs consacre l’ouverture de ce numéro. Mais cette histoire n’est pas spécifiquement américaine. Elle pourrait, à peu de chose près,être française ou chinoise, allemande ou nigériane. La lutte de classe est internationale.

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Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 407 du 20 septembre 2023

Et surtout, que rien ne bouge ?

Par Daniel Gluckstein

La Nupes s’est donc mise à l’heure de la division. Dernier épisode en date, Mélenchon déclare à propos de ses partenaires : « Je ne les aime pas. » Et de régler ses comptes : l’écologie qui n’est « pas anticapitaliste (…), c’est du jardinage », « le socialisme qui ne met pas en cause le capitalisme, c’est mignon », quant au PCF, « s’il ne se donne pas comme objectif une révolution socialiste, je me demande ce que c’est ». On pourrait compléter sa liste : des députés « insoumis » qui votent des résolutions de guerre au Parlement européen et des milliards de subventions aux capitalistes à l’Assemblée nationale, ça s’appelle plutôt de la soumission à l’OTAN et aux multinationales, non ?

Certes. Mais ce que les travailleurs constatent, c’est que le gouvernement aggrave dans tous les domaines sa politique anti-ouvrière et antijeunes aux conséquences dramatiques. Ainsi, cette semaine, on apprend que 54 % des étudiants sautent des repas. Europe 1pointe du doigt « ces étudiants qui ont fait le choix (sic !) de voler pour se nourrir ». Le Figaro informe de la mise en place à Bordeaux « d’une plate-forme destinée aux étudiants qui se prostituent pour parvenir à s’alimenter », et cela à la demande de l’État. L’État ? Il pourrait tout simplement financer des distributions alimentaires gratuites, non ? Il est vrai que cela menacerait les sacro-saints profits de la grande distribution…

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Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 406 du 13 septembre 2023

Sans elle ? Oui, sans elle !

Par Daniel Gluckstein


« La “bourgeoisie” se défend durement ? Oui, mais on ne peut faire sans elle. » Ainsi s’exprime (dans L’Opinion) Éric Le Boucher, chroniqueur à ses heures aux Échos.

« Durement » ? C’est le moins qu’on puisse dire : cette phrase conclut un article sur le coup d’État de Pinochet au Chili en 1973 qui provoqua, est-il écrit, « 3 000 morts ou disparus et plus de 38 000 personnes torturées » et instaura « une des pires dictatures de la région » !

« Durement », donc…

« Sans doute, reconnaît l’auteur, la finance américaine » a-t-elle joué un rôle dans le coup d’État tout comme « des entrepreneurs de la “bourgeoisie” ». Mais pour lui, les vrais responsables du coup d’État, « ce sont les idées “de gauche généreuse” de relance par la consommation, de blocage des prix ou de nationalisation ».

Revendications modestes, on en conviendra. Mais les capitalistes y virent une telle menace qu’ils décidèrent de se défendre « durement » !

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Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 405 du 6 septembre 2023

La seule voie

Par Daniel Gluckstein

Ce n’est pas si vieux : au printemps dernier, alors que se multipliaient les manifestations contre la réforme des retraites, un mot d’ordre a jailli, repris par des milliers de voix et de pancartes dans tout le pays : « Macron démission ! » Si on avait dit aux manifestants d’alors que, quelques mois plus tard, les dirigeants de la « gauche » iraient bavarder et dîner avec Macron douze heures durant, ils ne l’auraient pas cru !

Périodiquement, les mêmes dirigeants de « gauche » en appellent à l’« arc républicain contre l’extrême droite ». Où était-il passé, cet arc républicain la semaine dernière, quand tous les dirigeants de « gauche » échangeaient courtoisement avec Bardella, du Rassemblement national, autour de la table dressée par Macron pour le dîner ? Disparu, envolé, l’« arc républicain » !

Quelle mouche les a donc piqués, se demandent les travailleurs ?

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Editorial de La Tribune des Travailleurs n° 404 du 30 août 2023

Quel gouvernement, pour libérer qui et de quoi ?

Par Daniel Gluckstein

Prenant la parole le 28 août devant les patrons réunis à l’université d’été du Medef, Mme Borne a déclaré : « J’ai bien noté que certains craignent que les entreprises soient moins soutenues, peut-être qu’elles soient davantage taxées, donc je le dis et je le redis : il n’en est pas question. Nous sommes la majorité qui a fait le plus pour libérer l’activité des entreprises depuis des décennies. »

Mme Borne dit vrai. Certes, depuis des décennies, les gouvernements de droite comme de « gauche » ont tous été aux petits soins pour les patrons. Mais reconnaissons que ce gouvernement est celui qui va le plus loin. Celui qui « a fait le plus pour libérer l’activité des entreprises » ? Traduisons : celui qui a fait le plus pour « libérer » la possibilité pour les patrons d’exploiter la force de travail. Tout en cette rentrée – pouvoir d’achat, attaques contre la Sécurité sociale, situation dramatique des hôpitaux et de l’école et toutes les contre-réformes – le confirme : avec Macron et Borne, les patrons sont plus libres que jamais d’exploiter à leur guise.

Existera-t-il un jour dans ce pays un gouvernement dont le représentant pourra dire : « Nous sommes celui qui a fait le plus pour libérer les travailleurs des chaînes de l’exploitation » ? Y aura-t-il un gouvernement dont le représentant pourra dire : « Nous sommes celui qui a fait le plus pour libérer les travailleurs de l’angoisse de ne pouvoir se soigner, parce que nous avons rétabli la Sécurité sociale sur le principe de solidarité ouvrière ; nous sommes le gouvernement qui a dissipé l’angoisse de devoir travailler sans fin parce que nous avons rétabli la retraite à 60 ans pour tous et à taux plein ; nous sommes le gouvernement qui a contribué à libérer les familles, et en particulier les femmes travailleuses, de l’angoisse pour l’avenir des enfants parce que nous avons permis leur prise en charge sociale en multipliant les crèches publiques, en rétablissant une école répondant aux besoins de tous les enfants, y compris les enfants porteurs de handicap » ? Y aura-t-il un jour un gouvernement qui pour cela ne craindra pas de s’en prendre aux profits des capitalistes et aux budgets de l’armée et les affectera aux besoins du peuple ?

Un tel gouvernement ne pourra bien sûr surgir que de la mobilisation des travailleurs, se libérant eux-mêmes de l’exploitation.

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Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 403 du 23 août 3023

Certes, il ne s’agit que de 50 centimes…

Par Daniel Gluckstein


Cinquante centimes : c’est le montant de la « franchise médicale » réglé par l’assuré social sur chaque boîte de médicaments et chaque acte paramédical, dans la limite de 50 euros par an. La « participation forfaitaire » prélevée par la Sécurité sociale pour chaque visite chez le médecin s’élève, elle, à 1 euro par visite avec un même plafond.

Envisageant de doubler ces montants dans le projet de budget soumis au Conseil des ministres le 23 août, le gouvernement reconnaît que cela ne rapporterait que quelques milliards… Une goutte d’eau comparée aux plus de 3 000 milliards de la dette publique qui fournissent le prétexte à cette nouvelle attaque anti-ouvrière.

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Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 402 du 16 août 2023

N’y a-t-il pas un lien ?

Par Daniel Gluckstein

« J’ai dû choisir entre un frigo rempli et des vacances à la mer » : à l’instar de cette mère de famille interrogée par Le Parisien, de 35 à 40 % de la population – dont un million d’enfants pour la seule Île-de-France – ne partiront pas du tout en vacances cette année, un nombre bien plus élevé que celui des années précédentes. Principale raison : le « manque de moyens aggravé par des prix qui explosent », l’inflation constituant « un facteur de bascule ».

Même semaine : Les Échos rapportent qu’en conséquence de l’explosion des prix le volume des dépenses alimentaires a baissé de 11,4 % en dix-huit mois. Cette chute qui « n’a aucun précédent depuis 1980 » contraint un nombre grandissant de ménages à sauter un repas par jour.

Même semaine : Le Monde salue « la santé de fer du CAC 40 ». Soulignant « les excellents résultats » – plus de 85 milliards d’euros de bénéfices au premier semestre – des quarante entreprises les plus importantes de la Bourse de Paris, le quotidien précise que « l’inflation n’a pas pesé sur les marges ».

Trois médias, trois informations : n’y a-t-il pas un lien ?

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Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 401 du 9 août 2023

Nos intérêts ?

Par Daniel Gluckstein

Une intervention militaire au Niger impliquant la France est en préparation. Son déclenchement pourrait embraser toute l’Afrique de l’Ouest et au-delà. Étant donné les forces en présence, elle se relierait de fait à la guerre en Ukraine, marquant un pas de plus vers sa mondialisation.

La France étant au premier rang de la confrontation, quelle attitude les travailleurs de notre pays doivent-ils adopter ?

« Le Président de la République ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts », a déclaré l’Élysée. Les intérêts de la France ? La multinationale française Orano (ex-Areva) a la main sur l’exploitation de l’uranium enfoui dans le sous-sol du Niger. Des centaines de multinationales françaises opèrent au Niger, au Mali et au Burkina Faso voisins, parmi lesquelles, outre Orano, il faut mentionner Total, CMA-CGM, Vinci, Veolia.

Ce que Macron appelle les « intérêts de la France », ce sont les intérêts des multinationales. Des multinationales qui surexploitent les richesses du peuple au Niger et dans la région, comme elles surexploitent les travailleurs en France.

Pourquoi voudrait-on que les travailleurs, qui, en France, combattent Macron et les multinationales fassent cause commune avec eux s’agissant du Niger ?

Deux pancartes étaient brandies côte à côte par des manifestants au Niger ces derniers jours : « Nous, peuple souverain du Niger, nous exigeons l’arrêt immédiat de l’exploitation de notre uranium » et « La France doit partir, vive le Niger ! ».

Le peuple du Niger veut ce que veulent les peuples du monde entier : la souveraineté. Il rejette l’arrogance avec laquelle le néocolonialisme français et l’impérialisme américain prétendent disposer des richesses du pays et de gouvernements à leur botte.

« Oui, mais le drapeau russe est brandi par certains manifestants, c’est une menace terrible », nous avertissent des âmes bien pensantes… Poutine ? Il porte les intérêts des oligarques richissimes qui ont bâti leur fortune grâce aux privatisations-pillages. Mais au fait… ceux qui aujourd’hui agitent cette menace ne sont-ils pas les mêmes qui applaudissaient à tout rompre il y a une trentaine d’années lorsque la Russie s’est ouverte au pillage capitaliste ? La politique de privatisation-pillage des richesses des peuples ne profite-t-elle pas tout autant aux oligarques dont Poutine est le représentant qu’aux multinationales dont Macron et Biden servent les intérêts ?

Il y a conflit entre eux, c’est un fait. Mais les travailleurs en France n’ont rien à gagner à défendre le pillage « français » du Niger. Au contraire : tout ce qui affaiblit la domination néocoloniale française et le gouvernement Macron en Afrique renforce le combat des travailleurs exploités en France.

Une telle position n’implique aucune concession, aucune faiblesse vis-à-vis de Poutine et de son régime. Rappelons que, lorsque la Russie a attaqué l’Ukraine, La Tribune des travailleurs fut seule à titrer : « Ni Poutine, ni Macron, ni Biden ! Troupes russes hors d’Ukraine ! Troupes françaises hors d’Afrique ! Troupes de l’OTAN hors d’Europe ! ». La combinaison de ces mots d’ordre prend toute son actualité aujourd’hui. Le POID est déterminé à combattre pour les faire aboutir.

Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 400 du 26 juillet 2023

Une illusion mortelle

Par Daniel Gluckstein

La confrontation publique entre deux piliers de l’État, la police et la justice, crée une situation inédite en France depuis la fondation de la Ve République.

D’un côté, la police nationale, dont le directeur général (DGPN) se prononce pour la libération d’un policier placé en détention provisoire dans le cadre d’une instruction judiciaire pour violences policières commises à Marseille. Cette prise de position est couverte par Darmanin, dont l’entourage a fait savoir à France Info que « le DGPN avait toute la confiance du ministre ».

De l’autre côté, la justice, dont la plus haute instance, le Conseil supérieur de la magistrature, rappelle qu’elle est « la seule légitime pour décider du placement ou non en détention provisoire des personnes qui lui sont présentées ».

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