Editorial de la Tribune des Travailleurs n° 319 du 15 décembre 2021

Par Daniel Gluckstein

Rarement le fossé aura été aussi profond entre l’état d’esprit des travailleurs et celui des sommets des « partis de gauche ».

« En bas », les grèves s’étendent. La semaine passée, des dizaines de milliers de travailleurs de l’action sociale ont fait grève et manifesté. Grèves aussi chez Dassault, à Carrefour, dans un très grand nombre d’entreprises de la métallurgie. Surgie d’en bas, la grève mûrit et s’étend à la SNCF.

« En haut », les sommets de « la gauche », convaincus de l’inévitable réélection de Macron, font tout pour y contribuer par la fragmentation, la division, l’éparpillement. Quand ce n’est pas, pour certains, par le ralliement pur et simple.

« En bas », les travailleurs n’ont d’autre choix que de se dresser contre l’injustice d’un système capitaliste dans lequel les profits ne cessent d’enfler à un bout de la société tandis que la misère s’étend à l’autre bout. Ils n’ont d’autre choix que de prendre en main leur propre sort par et dans la lutte de classe. Le corollaire électoral de ce mouvement est clair : de larges secteurs ne sont pas convaincus, à ce stade, de participer à une élection d’où aucune issue conforme à leurs aspirations ne peut sortir ; d’autres, décidés à se rendre aux urnes, n’attendent pas pour autant de leur vote qu’il modifie leur situation. À tous, l’expérience montre que la mobilisation unie avec les organisations sur les revendications est à même d’imposer des reculs, modestes aujourd’hui, mais plus importants demain. De plus en plus nombreux, ils en arrivent à cette conclusion : avant ou après l’élection présidentielle, c’est la lutte de classe unie, la grève, qui ouvrira une perspective de rupture avec la politique en cours.

« En haut »… Pour la députée PCF Marie-George Buffet, « le seul espoir pour la gauche est un accord PCF-LFI sur la candidature de Mélenchon avec un accord pour les élections législatives permettant un “groupe de transformation sociale” à l’Assemblée nationale ». On peut comprendre que le maintien d’un groupe du PCF à l’Assemblée nationale – qui y siège depuis un siècle, hormis la période de Vichy – constitue un espoir pour les dirigeants de ce parti ; mais en quoi est-ce source d’espoir pour la classe ouvrière ?

L’espoir, la classe ouvrière se le forge dans l’action. Les mouvements de grève, aujourd’hui épars, tendent, en s’élargissant, vers leur centralisation. Un peu plus tôt, un peu plus tard, la grève générale bloquera la politique du gouvernement et créera les conditions pour le chasser. Un peu plus tôt, un peu plus tard, la mobilisation ouvrière unie jettera les bases d’un gouvernement qui n’aura peur ni d’imposer la restitution au peuple travailleur de ce qui lui a été volé ; ni de convoquer l’Assemblée constituante pour remettre son pouvoir aux représentants du peuple travailleur.

De ce mouvement par lequel les travailleurs apprennent à prendre confiance en leur propre force surgira l’espoir de la rupture ouvrière. Telle est la perspective pour laquelle combat le Parti ouvrier indépendant démocratique.