Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 399 du 19 juillet 2023

Dans le miroir de la lutte des classes

Par Daniel Gluckstein

Dans son dernier numéro, La Tribune des travailleurs signalait que les 500 plus grosses fortunes de France ne cessent d’enfler, au point d’atteindre aujourd’hui 1 170 milliards d’euros. Son éditorial en tirait cette conclusion : pour répondre aux besoins des hôpitaux, de l’école, des services publics, du logement social et de l’emploi des jeunes, il faut procéder à la « réquisition des 1 170 milliards accumulés par les 500 brigands capitalistes et des 413 milliards de la loi de programmation militaire ! »

Quelques jours plus tard, l’éditorial du quotidien capitaliste Les Échos commence ainsi : « Le temps est venu de tuer le livret A. » Pourquoi cet appel au meurtre, certes symbolique ? Cinquante-cinq millions de Français disposent d’un livret A. L’épargne populaire qui y est placée représente, avec celle des autres livrets (LDDS, LEP…), près de 900 milliards d’euros, provenant pour l’essentiel des économies des « petits » – car, c’est bien connu, les « gros » spéculent ailleurs.

Ce livret A est destiné, depuis sa création, à financer le logement social. Un scandale aux yeux de l’éditorialiste des Échos, qui s’étrangle : « Au moment où la France doit lancer une campagne d’investissements sans précédent pour assurer la transition climatique, la modernisation de son parc nucléaire ou encore la remise à niveau de ses armées, on ne devrait pas avoir de mal à trouver un emploi productif pour ces ressources. »

Traduisons : financer le logement social, ce n’est pas productif. Ce qu’il faut, c’est détourner l’épargne péniblement accumulée par les foyers les plus modestes pour financer à la place de l’État et des capitalistes le renouvellement du parc nucléaire, la transition climatique et la politique de guerre ! Les Échos se félicitent que le gouvernement y pense mais voudraient qu’il s’engage plus résolument !

La lutte des classes se présente ici comme un miroir. Deux positions se font face : ou bien confisquer les 1 170 milliards des 500 ultrariches pour répondre aux besoins du peuple ; ou bien piller les 900 milliards de l’épargne populaire pour alimenter encore plus la course avide au profit.

Ce qui pose LA question : qui gouverne et au service de qui ?

Invitée sur France Inter ce 17 juillet, la députée de La France insoumise Aurélie Trouvé a dénoncé à juste titre la « cure d’austérité budgétaire » annoncée par le gouvernement avant de déclarer : « Le problème, c’est que ce gouvernement n’écoute rien de l’opposition. »

Non, le problème, c’est que cette opposition – celle de la Nupes – attend du gouvernement qu’il l’écoute et pleurniche quand il s’y refuse. Le problème, c’est que, refusant d’appeler à la mobilisation pour en finir avec Macron maintenant, ces dirigeants de la « gauche » disent aux travailleurs, aux jeunes, au peuple : vous subirez pendant quatre ans encore la politique désastreuse de Macron, car il faut respecter les institutions.

Quatre ans de plus ? Quatre ans de trop. C’est maintenant que Macron doit être chassé.

Telle est la seule position conforme aux intérêts de l’immense majorité du peuple travailleur. La seule position conforme à la démocratie.